La klassikosphère

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La divine politique

Loïc Tomissi

 

 

 

 

La divine politique

 

Essai

 

 

Avant-propos

J’écris cet Essai « à la moitié du chemin de la vie » comme le dit Dante dans sa Divine Comédie au premier vers du Chant I. C’est-à-dire à trente-cinq ans précisément qui est l’âge correspondant au point culminant de la vie selon la Bible. L’âge sans doute de la maturité politique et religieuse à la fois. L’âge où l’on passe de la nature à la culture, du réel au spirituel, du jeu au sérieux et du « je » au « nous » (inclusif). C’est l’âge de la transition. Le mot transition est à la mode ne trouvez-vous pas ? Transition énergétique par-ci, transition écologique par-là, transition politique en cours, etc. Trente-cinq ans est donc l’âge de transition, l’âge où l’on change de position et on passe à travers une sorte de rideau imaginaire, de filtre invisible. De la salle à la scène, de spectateur à acteur. C’est l’âge d’un coup de théâtre, d’une révélation. Je traiterai donc dans les lignes qui vont suivre d’une prise de conscience et je tenterai de livrer mon analyse de façon la plus claire possible.

Dans ce court ouvrage prenant la forme d’un Essai politico-philosophique il sera donc question de politique, de religion et de croyance. C’est à partir d’un constat que je souhaite établir ce parallèle entre politique et religion. Il est évident que le politique et le religieux se mêlent d’une façon de plus en plus confuse aujourd’hui. La séparation claire et nette des deux mondes politique et religieux est de moins en moins évidente. Dans les discours politiques, pour convaincre les foules, les orateurs utilisent de plus en plus de mots empruntés au champ lexical religieux. Ayez foi en mon programme, croyez en moi, etc. À croire que la parole du politique devient prophétie. Elle porte d’un côté l’espoir d’un avenir meilleur, de l’autre elle met en garde contre des menaces réelles ou fantasmées. Le discours politique ne semble plus faire passer le message d’une simple pensée politique, une idéologie. Il se durcit, devient sérieux, parfois grave et exprime une doctrine. Entrer dans un parti politique revient à entrer en religion. Tel un prophète, un Moïse ou un Abraham, le chef de file d’un parti est ce leader charismatique, ce porte-parole divin qui accomplit un véritable sacerdoce. Il est au sens propre du terme cette dignité d’augure. Il est celui qui porte l’avenir de son programme et a fortiori le destin commun d’un peuple. Soyons prudents car nous assistons à une confusion de genre qui n’est pas clairement de bon augure. Verra-t-on un jour en France la prière remplacer le vote pour faire entendre nos voix ?

"Avec Bush, il s'agit de l'alliance de la religion et de la politique, cela fait un ménage dévastateur, comme toujours quand un peuple veut démontrer que son Dieu est le meilleur."

(Julie Delpy, actrice)

 

De l’utilité de la Politique

Il n’y a pas de doute à avoir sur le bien fondé de la Politique. Je peux comprendre en revanche vos doutes sur le bien fondé de la religion si vous n’êtes pas croyant, mais nier à la fois le politique et le religieux me semble chose absurde. Si pour vous la religion est « l’opium du peuple », il me paraît difficile de considérer que la Politique l’est tout autant. Admettons quand même que la Politique est utile à la cité, non ? Alors permettez-moi, si vous n’êtes pas convaincu, de vous le démontrer.

Je crois dur comme fer en l’utilité de la Politique. La Politique est une affaire sérieuse.
Je parle de Politique avec un grand « P » et non du politique. La Politique est une belle chose utile sinon essentielle à la vie de la cité, les femmes et les hommes qui font de la Politique en est une autre. Nos « politiques », femmes et hommes confondus font de la politique, ils ne font pas la Politique. On peut croire en la Politique et à l’action politique sans forcément croire aux femmes et hommes qui la portent. Sans la Politique au sens noble, nous serions des constellations (rectification car les constellations sont des organisations de corps célestes éclairés), nous serions donc de sombres groupuscules d’individus sans organisation et sans but. Si bien que nous comprenons que la Politique est l’essence même du lien social. Elle est notre mode naturel d’organisation sociale. Et puis la vraie question, n’est pas de se demander si la Politique est utile ou pas car, comme le dit Voltaire pour Dieu, si la Politique n’existait pas il faudrait l’inventer. Sans ironiser, cette position n’est pas une vue ridicule de l’esprit, d’ailleurs pourrait-il réellement et sérieusement en être autrement ?

J’entends déjà les critiques s’élever, politique et religion sont à mettre dans le même sac de l’imposture. Je l’entends, mais pourtant il faut bien gouverner. Les groupes humains ont besoin de guides, ont besoin de s’organiser ne serait-ce que pour échapper à la panique générale. Il faut des responsables pour savoir sur qui taper quand tout va mal. Et ne croyez surtout pas que tout irait mieux s’il n’y avait pas de responsables. Ce serait pire encore. Il faut une direction à suivre pour mener un peuple, un chef de file et un gouvernement bien organisé qui imprime sur leurs programmes politiques (c’est-à-dire leur vision de l’avenir d’un peuple sur un territoire donné) la marche à suivre. Faut-il que j’invoque le Stagirite pour convaincre ceux qui n’y croient plus depuis longtemps ? Aristote ! Je vous en prie, aidez-moi : « L’homme est un animal politique » comme nous le rappelle le philosophe. Qui serait assez osé pour être d’un autre avis que lui ?

Comment pourrait-il en être autrement puisque sans Politique la vie sociale, la vie en groupe sombrerait dans le chaos. Je ne dis pas dans l’Anarchie mais bien le chaos. L’Anarchie est à mon sens une forme de choix d’organisation politique. L’idéologie anarchiste dit se passer de la Politique, or l’Anarchie est un système d’organisation sociale qui se prétend antisystème. Que l’on ne s’y trompe pas, je n’ai rien contre l’Anarchie, je mets seulement en garde. En effet, l’Anarchie fonctionne pour des êtres libres, lucides et cultivés c’est-à-dire non ignorants des difficultés que cette forme d’organisation sociale comporte en matière de responsabilité individuelle. Elle est faite pour des êtres éclairés souhaitant réussir le pari de vivre ensemble en tant que citoyens absolument libres, égaux et fraternels comme les co-habitants d’une même maison. À l’échelle d’une famille il est parfois difficile de cohabiter, je vous laisse imaginer à l’échelle d’un pays tout entier. L’Anarchie ou socialisme libertaire est un système social idéal mais extrêmement fragile qui ne tient que par la qualité de compréhension, d’ouverture d’esprit et d’instruction des individus qui le compose. L’Anarchie séduit mais elle est un pari risqué, un rêve qui pourrait vite se transformer en véritable cauchemar. À ce jour, bien que concevable sur le papier l’utopie anarchiste semble inapplicable dans les faits.

Ainsi, utile ou pas, la Politique régit de fait la vie sociale. Qu’on le veuille ou non c’est une réalité. Soit on l’accepte soit on la refuse. Vous remarquerez dans l’histoire que l’on accepte plus volontiers la Politique, ou pour le moins qu’on tolère le système politique tant que les hommes y trouvent tous leur compte. Le jour où des inégalités se font trop oppressantes ou trop visibles, un réflexe vital consiste à remettre en cause le Système. L’autodéfense des droits fondamentaux (liberté, égalité, fraternité), voilà le système immunitaire citoyen. Consentir au sacrifice pour défendre un idéal de justice sociale conduit à la révolte. Je ne m’étendrai pas sur les causes de la Révolution française. Toute révolution prospère dans un milieu inégalitaire.

 

 

Croire au Système : vers une transition politique ?

Croire en la politique serait-ce croire en l’illusion d’un système organisé ? Au mirage d’une organisation humaine  parfaitement conçue pour répondre à notre bien à tous ? Pour toutes celles et ceux qui n’y ont jamais cru, féroces libre-penseurs ou gentils ignorants, tous les nouveaux hérétiques, l’ironie du sort veut pourtant que ce soit dans ce même Système, cette diabolique chimère, que l’on critique avec légitimité que nous grandissons, que la plume s’aiguise et que les mots frappent ensuite comme des balles toutes nos organisations politiques. Soyons objectifs, sans ce Système nous ne serions pas ce que nous sommes, nous ne serions pas meilleurs non plus, mais seulement différents. En effet, une organisation sociale en remplacerait bientôt une autre avec ses défauts et ses qualités. Attachons-nous à rendre ce Système un peu meilleur ce sera déjà une réelle évolution, le tout sans passer systématiquement par la case révolution. Je ne crois pas être un révolutionnaire dans l’âme mais un évolutionnaire. La tentation est grande de tout vouloir renverser et de faire table rase du passé. Il en faut de l’énergie pour être révolutionnaire. Or, à l’heure de la transition énergétique, il vaut mieux économiser l’énergie. Soyons donc tous économes politiquement parlant. Apprenons à faire du neuf avec de l’ancien, recyclons et  trouvons dans cet esprit éco-responsable, dans cette démarche constructive notre compte. Il est trop facile de vouloir tout balayer, tout casser : Allez vous défouler ailleurs et revenez quand vous serez calmés ! Il est déjà si difficile de construire. Comme en urbanisme on construit sur de l’ancien, on rénove, on requalifie, sans forcément tout détruire ; il est possible de procéder de même en politique. Soyons les urbanistes patients de la Politique. Faisons de la politique durable éthico-responsable. Les vieilles lois sont comme les vieilles pierres, elles sont les vestiges du passé, elles sont un précieux héritage. Apprenons sagement à leur redonner de l’éclat avant de faire tomber les murs. Et puis, pour proposer quoi ? Un nouveau système tout beau tout neuf et sans défauts. Non, je ne pense pas que cela soit aussi facile que cela. Je crois en revanche en un destin commun qui se construit patiemment avec l’héritage du passé.

Vous n’êtes pas encore convaincu ? Très bien, concevons alors un monde parfait, un monde sans Dieu ni Maître par exemple. Un monde libre en quelque sorte. Un monde débarrassé des deux grands maux de nos sociétés, c’est bien de ceux-là dont il est question? Un monde vraiment libre croyez-vous? Libre de quoi ? De tout se permettre…Non, je ne pense pas. Ce monde n’est seulement envisageable que si les hommes se respectent mutuellement et agissent fondamentalement en fonction des principes de liberté, d’égalité et de fraternité. Ce serait trop beau n’est-ce-pas ? Ce serait trop beau mais pour combien de temps ? En peu de temps l’intérêt personnel de quelques-uns prendrait le pas sur l’intérêt général. On chercherait alors une autorité pour rendre justice et comme il n’y a plus de système on se rendrait justice soi-même. Je vous laisse deviner la suite des événements. Plus de pouvoir, plus d’ambition mal placée, plus de conflit d’intérêt, seulement l’intérêt général ? Pure utopie. Ça me fait mal au cœur de dire cela, mais dans l’état actuel des choses, je n’ose même pas imaginer les conséquences d’un monde sans gouvernement politique ou divin. Regardez le chaos que les Américains ont semé en allant se mêler des affaires irakiennes ou plus récemment syriennes. Au nom de la paix je vous arrête ! Est-ce là le message transmis par l’oncle Sam aux dictateurs du monde entier ?  Je préférerai : Au nom de la liberté je vous laisse gérer. Laissons donc ces dictateurs gérer leur peuple, ils les connaissent mieux que nous, ils savent comment les tenir. En se mêlant des affaires des autres, le désordre s’installe, le système se désorganise et bientôt c’est la crise. L’ingérence est alors un recours très pratique diplomatiquement. Le droit d’ingérence est un raccourci facile pour qui s’empresse de piller les ressources d’autrui. Rappelons simplement que ni le droit, ni le devoir d’ingérence n’ont d’existence dans le droit humanitaire international. L’ingérence elle-même n’est pas un concept juridique défini. Au sens commun, il signifie intervenir, sans y être invité, dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d’un État. Allez-donc reconstruire une nation nouvelle sur les braises d’un passé encore fumant après cela, dans un pays laissé à feu et à sang. Quel État responsable laisserait faire cela ? Gardons en tête cette maxime du penseur et écrivain :

« Il faut cultiver notre jardin »

Voltaire

 

 

De l’idéologie politique à la doctrine religieuse

 

Ainsi, à force de ne plus croire en un système politique quel qu’il soit on favorise la mise en place d’un système religieux, plus puissant. Et, en voulant se débarrasser d’un soi-disant carcan on le voit bientôt se faire remplacer par un plus grand et plus fort encore. L’idéologie cède alors la place à la doctrine. Tous ceux qui avaient perdu l’espoir d’une vie meilleure, la foi en l’avenir et croyant voir un signe de libération dans la mise à mal de l’organisation politique existante se retrouvent, plus enfermés que jamais, soumis à des règles plus strictes encore. Un glissement progressif s’opère comme dans la tectonique des plaques. Des tensions se font sentir, d’abords des petits incidents sociaux en signes avant-coureurs font trembler le pays et puis, tout-à-coup, le Système craque, subissant trop de pressions. C’est le grand tremblement citoyen, la révolte. Il faut donc y réfléchir à deux fois avant de se plaindre d’un Système. Malgré les défauts et les inégalités, le rôle du politique est de rendre celles-ci un peu plus tolérables. Je crains de voir ma France au bord de la rupture. L’irruption citoyenne provient systématiquement d’une accumulation d’inégalités devenues intolérables sinon insupportables.

Système religieux et système politique : obéir aux règles.

 

Qui dit système dit organisation. Or, organiser c’est établir par des règles. Régler, c’est préciser, c’est définir des règles, règlements et réglages aptes à faire fonctionner un système. Le système religieux et le système politique sont en cela, c’est-à-dire par rapport à leur mode respectif d’organisation très proches. Les deux systèmes tendent intrinsèquement du fait de leur organisation interne ou organique à se confondre. Il y a de part et d’autre une hiérarchie, une organisation, des règles et des lois qui régissent ces deux systèmes. Les deux systèmes connaissent des élections et ont leurs élus. Dans les deux systèmes ont suit et on obéit à la loi. Que celle-ci soit divine ou républicaine. Que l’on soit Moine bénédictin ou simple citoyen, des règles de vie s’imposent dans les deux cas guidant nos comportements de façon stricte et encadrée.

On peut croire en Dieu comme on croit en son pays. Croire en l’avenir d’un État relève du politique. C’est croire en l’éternité d’un pays géré par les hommes qui l’habitent. Ne parle-t-on pas de France éternelle ? Croire en Dieu c’est croire en la vie éternelle et au salut de son âme. Ainsi, pour ce qui touche au Politique, menacer un État, une nation, c’est remettre en cause le droit d’un peuple à croire en l’éternité de son pays. C’est toucher à l’âme d’un peuple. Cette remise en cause pousse les citoyens à s’unir, à faire front et si besoin, pour la défense de leurs intérêts vitaux aller jusqu’au sacrifice. L’acte de sacrifice est par essence religieux en se qui rend l’acte sacré. Disons, à l’instar d’Aristote, que l’homme au-delà d’être un animal politique est plus essentiellement encore un animal religieux. Oui, je crois que L’homme est un animal religieux. La politique ne suffit plus quand les libertés individuelles sont menacées et on en appelle alors au sacré. Système politique ou système religieux ? Le lien est de plus en plus ténu et souvent il y a confusion de genres. Citons comme exemple « L’Église positiviste » d’A. Comte ou bien encore « Le catéchisme industriel » de Saint-Simon. Politique et religion bien souvent se mêlent. Ne serions nous pas alors plus croyants qu’il n’y paraît ? Du politique au religieux il n’y a qu’un pas à franchir comme le dit le philosophe russe, il y a une filiation manifeste entre ces deux mondes que tout rapproche.

" L'État, c'est l'autel de la religion politique sur lequel la société naturelle est toujours immolée : une universalité dévorante, vivant de sacrifices humains, comme l'Église. - L'État, je le répète encore, est le frère cadet de l'Église."

(Mikhaïl Bakounine / 1814-1876 / Fédéralisme, socialisme et antithéologisme / 1867)

Je citerai enfin le Général De Gaulle connu pour son sens de la formule associant sans détour divin et politique :

"Quelle que soit votre impatience de me voir partir, il vous faudra attendre trois ans. Si Dieu me prête vie, bien entendu. Mais comme vous ne l'ignorerez pas... Dieu est gaulliste."

(Charles de Gaulle / 1890-1970)

 

 

De penser à croire : De l’idée à la croyance

 

J’entends souvent dans les débats politiques, dans les réunions et commissions d’élus locaux dire : je crois ceci, je crois cela,  je vous en prie croyez en mon programme. Le champ lexical du religieux est de plus en plus présent dans le discours politique.

À croire qu’aujourd’hui « Penser » ne suffisait plus. « Penser » c’était faire part de ses convictions en exprimant une opinion raisonnable. Penser c’était exister (je pense donc je suis). Souvent nous disons d’un penseur que c’est un sage. Cet âge là est révolu. Aujourd’hui exister c’est croire. Je crois donc je suis. Croire est devenu plus fort, plus engagé, plus présent que penser. « Je pense que ceci, je pense que cela », ce mode d’expression ne convainc plus aujourd’hui. J’ai l’intuition que la croyance remplace la pensée. Le « je crois » supplante le « je pense ». En effet, la pensée est molle, la pensée est faible, la pensée est presque unique et donc sans relief. Elle appartient au monde horizontal, en deux dimensions, au monde d’avant, immanent. La croyance, elle, est plus forte, elle s’adresse au sacré, au divin, au monde vertical, elle ajoute une dimension supplémentaire au discours, une troisième dimension. La croyance est la 3D de la pensée. La croyance touche à des choses encore plus ancrées en nous, plus fondamentales que la pensée même. Quand la pensée se borne à mobiliser l’intellect et la raison, la croyance fait appel au divin et exprime nos plus fortes convictions. Tout son être transcendant, tout son présent et son avenir. Il y a une part d’inexplicable et d’intuitif dans la croyance qui est plus forte que la pensée se bornant à expliquer par une analyse rationnelle des phénomènes pour affirmer une position. Je crois que la croyance l’emporte sur la pensée rationnelle à présent. Croire est absolu et penser est relatif. Croire est exprimer une opinion la plus profondément ancrée en nous avec la plus forte conviction, et penser est hésiter. L’ordre des choses c’est donc inversé.

Être élu au sein d’un groupe, d’une organisation, d’un parti, d’un pays c’est réussir l’union sacrée, c’est réussir à faire en sorte que les gens croient en vous et pas seulement pense à vous. Nous n’adhérons pas à des idées, nous adhérons à des convictions. C’est lorsque les idées ruminées se sont fait croyance que seulement nous sommes convaincus. Car les idées plus volatiles peuvent changer avec le temps tandis que les croyances sur lesquelles se fondent les convictions sont bien plus ancrées et enracinées. On change plus facilement d’idée et d’opinion que de croyance et de convictions. Je crois avoir raison, du moins j’ai de bonnes raisons d‘y croire.

 

 

 

 

Exprimer sa voix : du vote profane à la prière sacrée

 

Le mode d’expression de la croyance est la prière, celle de la pensée idéologique, le vote. Les modes d’expressions politiques ont évolué. Aujourd’hui il sera plus militant de prier dans les lieux de culte que d’aller voter pour affirmer et revendiquer un mode de pensée, une culture, une opinion, un souhait. L’action politique est alors religieuse dans la mesure où pour susciter l’adhésion à un projet il faut faire en sorte que les gens y croient, et les persuader du bienfondé de l’action.

L’intuition devient raison quand la pensée se structure et s’exprime. Les formes multiples d’expression de la pensée sont la traduction d’une intuition initiale. Dans ce sens, la pensée ne suffit plus forcément à convaincre. La force de conviction se véhicule avec encore plus de puissance par la croyance. L’intuition est ce en quoi on croît au plus profond de soi. La croyance est vraie tandis que la pensée est voilée par le filtre de la raison. Je ne dis pas que la pensée est fausse ou erronée mais que la croyance (en-dehors de tout système religieux) est plus authentique que la pensée. Croire est antérieur à penser. Nous pourrons dire que la croyance est la raison de la pensée. La croyance est à l’origine de tout système de pensée (politique, scientifique, social, etc.). J’en fais l’hypothèse, libre aux anthropologues, sociologues, psychologues, et tous les scientifiques en « -logues »  de réfuter ou corroborer cette thèse.

Convaincre, c’est prêcher

 

Conquérir un électorat c’est bénir des fidèles. La politique est un acte de foi, si bien que la frontière entre le politique et le religieux est de plus en plus mince.

Dire ce que l’on pense et dire ce que l’on croit. La différence est immense. Il arrive bien souvent de dire des choses sans les penser réellement, sans y avoir réfléchi sérieusement. Et même en y ayant bien réfléchit, il nous arrive de dire des paroles auxquelles on ne croit pas forcément. La parole authentique et sincère est rare. Ainsi, un discours passionné est un discours auquel on croit. On ne parle plus on prêche. La parole est conviction, cela se ressent lorsqu’on convainc son auditoire. Le mot est juste, la voix est sûre et déterminée, il n’y a pas de place pour le doute. Les mots s’enchaînent avec une facilité déconcertante. Le verbe est divin. Je pense à Martin Luther King dans son fameux discours  « I have a dream »  (« Je fais un rêve ») prononcé le 28 août 1963 devant le Lincoln Memorial, durant la Marche sur Washington pour l'emploi et la liberté. Devant plus de 250 000 manifestants, le pasteur messianique en appelle solennellement à la fin du racisme aux États-Unis et revendique l'égalité des droits civiques et économiques entre Blancs et Afro-Américains. Point d'orgue du Mouvement des droits civiques. Ce discours est pour moi l'un des plus importants du XXè siècle. Qui oserait croire qu’une plume (pour ne pas dire « nègre » cela aurait fait mauvais genre) lui aurait dicté ce discours, qui ne saurait être ému pas les paroles de l’ancien pasteur. Il ne parlait plus pour parler comme le font bon nombre de politiques, il parlait pour rendre le monde meilleur parce que dans son discours sublime il y croyait. Tout l’auditoire y croyait.

 

 

Le credo remplace le cogito

 

Au Cogito de Descartes je propose le Credo. Au fameux « Je pense donc je suis » j’opposerai le « Je crois donc je suis ». Cette formule semble plus juste et plus forte encore. Si je me considère avant tout comme un Être croyant j’existe pleinement, j’ai foi en moi et en mon existence ; j’existe vraiment. Si je me borne à me définir comme un Être pensant, je ne suis pas encore convaincu, ni sûr d’exister tout à fait, tout entier. Je serai certes un Être pensant, un Être faisant usage de son entendement, de sa raison mais je serai encore touché par le doute, ce doute cartésien dont Descartes a eu tant de mal à se débarrasser. Le philosophe a eu la ferme conviction que ce qui faisait de lui un être c’était la faculté de penser. Or, avoir la ferme conviction, c’est croire. C’est avant tout parce qu’il croyait absolument être un Être pensant que Descartes a forgé son Cogito. Ne voyez-vous pas que l’expression « Croire en soi » est plus forte que « Penser à soi ». Croire en soi, c’est avoir une confiance absolue en soi délivrée de toute forme de doute. « Penser à soi » n’exprime rien de tel, tout au plus une attitude bienveillante à son égard. C’est bien parce que je crois avant de penser que l’Être croyant est antérieur à l’Être pensant. Pour penser, il faut d’abord croire. Une croyance autonome donc libre de toutes doctrines religieuses.

Cette parenthèse illustre à mon sens le simple fait que la croyance précède la pensée. Je dis et j’agis en fonction de ce que je crois, de ce qui préexiste en moi avant même que la pensée ne se forme et devienne verbe. Pour illustrer mon propos, je prendrai l’exemple du lapsus chez Freud. Freud voit dans le lapsus un symptôme important de l'émergence de désirs inconscients. Selon la théorie freudienne, un lapsus est significatif de ce que l'inconscient s'est manifesté en déjouant les barrières de notre censeur interne ou Surmoi. Selon cette approche, nous ne sommes pas responsables de nos pensées. Elles nous viennent de l'inconscient et si nous sommes responsables de nos paroles comme de nos actes, on ne peut pas considérer comme responsable de son propos quelqu'un qui exprime une pensée « involontaire ». Or, je dirai a contrario de Freud que cette pensée soi-disant « involontaire » est l’écho d’une croyance peut-être « inconsciente » mais bel et bien ancrée et présente en nous. La pensée « involontaire » est l’héritage inconscient d’une croyance bien ancrée au plus profond de notre Être. La méditation peut aider à faire remonter à la surface de mon Être cette croyance enfuie ; et ainsi, par un travail de compréhension, engloutir à jamais d’éventuels lapsus gênants.

Pour clore cette digression sur l’ancrage psychanalytique de la croyance par rapport à la pensée revenons sur l’idée de la confusion de genre entre pensée politique et croyance religieuse. Le distinguo entre croire et penser étant établi, nous avons pu démontrer que la croyance antérieure à la pensée avait un pouvoir supérieur à cette dernière lorsqu’il s’agit du passage à l’acte. Qu’est-ce qui distingue dès lors un homme pensant d’un homme croyant ?

 

 

Homme d’État et homme d’Église : un combat inégal ?

L’action politique qui provient d’une idéologie obéissant à une logique de parti fait pâle figure face au sacerdoce religieux qui provient d’une doctrine définie par un culte. Dans cette approche comparative, nous pouvons dire que le politique ne joue pas dans la même catégorie que le religieux en matière d’engagement. Si un prêtre, cet homme de foi, qui est un authentique prédicateur peut être considéré comme une personne indéniablement engagée, que pourrait-on dire d’un politicien engagé ? On dira que c’est une femme ou un homme de convictions, tout au plus ! Ça ne pèse pas lourd ne trouvez-vous pas ? Il va lui falloir en faire des efforts au politique pour convaincre que son auditoire reçoit la bonne parole et ainsi obtenir de nouvelles voix. On ne prêche pas toujours à des convaincus.

 C’est précisément parce que le religieux se pose comme une autorité supérieure à toute autorité qu’il part avec un net avantage. L’acte politique est probatoire (il faut faire ses preuves) quand l’acte religieux est sacerdotal (il faut faire son œuvre). C’est le combat inégal de David contre Goliath, du poids plume contre le poids lourd. C’est convaincre contre prêcher. La conviction dans un discours politique est empreinte de doute, la croyance dans un prêche religieux est emplie de confiance.

Le politique doit prouver sa bonne foi envers ses électeurs. Il doit les conquérir en les séduisant par son programme. Le programme, c’est la Bible, c’est la Sainte Écriture de l’homme d’État. Le prêtre, lui, part avec une longueur d’avance. Son programme, il le connaît par cœur, il est invariable et il est ritualisé, sa liturgie ne le fait pas mentir. L’homme d’Église doit renforcer le sentiment d’appartenance à une communauté chez ses fidèles acquis à sa cause. Il est là pour renforcer leur foi dans les textes sacrés. Quand le politique promet un bel avenir, le religieux promet l’éternité. On ne s’étonnera pas du fait que des jeunes sans espoir en l’avenir dans leur propre pays (sans doute à cause de politiques inefficaces) se tournent vers le religieux pour regagner cet espoir perdu en croyant à l’éternité d’une vie meilleure. On ne s’étonnera pas non plus du fait que les électeurs sont plus infidèles avec leur parti que les fidèles le sont avec leur religion. La foi, la croyance au divin déçoit moins que les mensonges politiciens. L’image du politique est ternie par les scandales et les abus à répétition, on reprochera au politique de ne plus accomplir sa mission. Quand j’y pense, il n’y a pas de cumulards dans l’Église, de sorte que chaque homme de foi reste lié à son unique mandat, attaché à sa paroisse, concentré sur son office.

La tentation est donc forte pour le politique jaloux de son confrère religieux de revêtir les habits sacerdotaux, de se faire le grand défenseur d’une grande cause, de s’imposer comme le sauveur de l’humanité. À mon sens, le politique doit avant tout se poser comme le sauveur de l’humilité. S’il a une mission suprême, presque divine, c’est bien d’être le protecteur des plus faibles. Voilà où réside le salut de la société tout entière. Lutter sans relâche contre les inégalités est le seul engagement politique valable. Ceux qui refusent de voir cette vérité, ceux qui se contentent de profiter du Système en place, ceux qui se voilent la face en toute impunité, ceux qui ferment les yeux sur la réalité sociale des plus démunis, ceux-là ne méritent pas d’être les élus du peuple qu’ils sont censés représenter. Quel enjeu plus important que celui de l’égalité sociale ? L’égalité sociale est le seul terreau viable dans lequel la paix peut prospérer.

Les inégalités créaient des tensions sociales, j’ai déjà exposé cette idée précédemment ; je vous propose à présent de l’illustrer plus concrètement dans les lignes qui vont suivre.

 

 

Politique et religion : un cocktail explosif ?

 Il est clair que mélanger religion et politique est un cocktail néfaste. Mais avons-nous d’autre choix aujourd’hui que d’accepter l’évidence ? L’urgence n’est-elle pas à la réconciliation de ces deux pouvoirs ?

Jugez par vous-même. Comme nous l’observons depuis quelques mois en France quand la politique se mêle de religion on commence par fermer les lieux de cultes, puis, on finit par fermer les frontières. On s’isole, on s’enterre. Or, une société qui s’isole est une société qui se meurt peut à peu. De même, quand la religion se mêle de politique on court à la guerre. Un exemple historique permettra d’illustrer mon propos. Dans son ouvrage intitulé De la Guerre (Vom Kriege, 1832 ), le général prussien Carl Von Clausewitz dit que : « La guerre est la continuation de la politique par d'autres moyens ». De la même manière nous dirons que « L’acte terroriste est la continuation de la religion par d’autres moyens ».

La vague d’attentats terroristes qui ont frappé qui frappent et qui continueront de frapper le monde dans lequel nous vivons ensemble est une triste illustration explosive de cette confusion entre politique et religieux. C’est un mélange détonant et funeste. Les images impudiques des médias rappellent les natures mortes d’un terrorisme se mettant en scène. L’hydre polymorphe de l’Islamisme le plus radical cherche à choquer par l’image en faisant croire que la mort peut frapper n’importe où n’importe quand alors même que le lieu de l’attentat à venir est choisi et le moment de l’attaque bien déterminé. Pour être clair, il n’y a pas d’un côté les méchants terroristes assassins et de l’autre, les sauveurs du genre humain. Cela vous fera peut-être de la peine à le croire mais nous sommes tous responsables de cette situation, en particulier ceux qui décident pour le peuple (qui lui ne demande que la paix).

Souvenons-nous du massacre de la Saint-Barthélemy, un mélange de facteurs politiques, religieux et sociaux à la fois. Nous faisons partie d’un tout, chaque action chaque décision que nous prenons a des impacts sur notre environnement direct, a des conséquences pour autrui. Il n’y a pas de fumée sans feu dira-t-on. Comprenons qu’un bonheur extrême d’un côté crée une souffrance extrême de l’autre, qu’une richesse abusive d’un côté génère une pauvreté excessive de l’autre que nous sommes les acteurs de ces déséquilibres mondiaux et les artisans de ces inégalités. Si vous trouvez comme moi les attentats injustes, ils ne sont malheureusement pas injustifiés. Il y a une logique de rééquilibrage des inégalités et des forces derrière ceux-ci. Bien sûr nous les condamnons tous mais nous ne sommes pas étrangers à leur cause. D’abord parce que nous pouvons en devenir la cible, et si tel est le cas c’est bien parce qu’il y a une raison : « No one is innocent » disait la chanson. Il faut se montrer juste envers soi et le reste du monde pour restaurer un équilibre mondial, les responsables se reconnaîtront. Vous verrez que les tensions s’apaiseront une fois que cela sera bien compris par tous les dirigeants politique et religieux.

Certaines leçons sont à puiser dans l’Histoire. Revenons un instant sur cet épisode des plus sanglants de l’Histoire de France. Déclenché, le 24 août 1572, à Paris, le jour de la Saint-Barthélemy puis prolongé les jours suivants et étendu dans plusieurs autres villes de province, cet événement des guerres de Religion résulte d'un enchevêtrement complexe de facteurs religieux, politiques et sociaux. Il est la conséquence des déchirements militaires et civils de la noblesse française entre catholiques et protestants, notamment de la vendetta entre le clan des Guise et celui des Châtillon-Montmorency. Il est le résultat d'une sauvage réaction populaire, ultra-catholique et hostile à la politique royale d'apaisement. Il reflète enfin les tensions internationales entre les royaumes de France et d'Espagne, avivées par l'insurrection aux Pays-Bas. La combinaison de ces facteurs de tensions a conduit aux assassinats de chefs protestants et s’est transformée en massacre généralisé de tous les protestants, sans considération d'âge, de sexe ou de rang social. En effet, alertés par le bruit et l'agitation de l'opération militaire, les Parisiens les plus exaltés se laissent emporter par la peur et la violence. Ils attribuent à tort le trouble nocturne aux protestants et se mettent à les poursuivre, pensant agir pour la défense de leur ville.

Cette page désormais tristement incontournable de l’historiographie française permet d’éclairer en partie la situation actuelle de notre pays. Bien que comparaison ne soit pas raison, nous trouvons dans les réactions des chefs politiques de l’époque une similitude avec les décisions prises par le gouvernement français le soir même des attentats de Novembre 2015. C’est ainsi qu’au lendemain matin du massacre (le 24 août 1572) Charles IX avait ordonné l'arrêt immédiat des tueries. Mais, dépassé par la fureur du peuple, il n'avait pu les empêcher. Le roi ordonna en vain l’arrêt du massacre et pris différentes mesures pour rétablir l'ordre et tenter vainement de protéger la vie des gens menacés. Ces mesures de « justice extraordinaire » font écho à la décision de François Hollande au soir des attentats du 13 Novembre 2015 lors de l’annonce de l’application de l'état d'urgence sur l'ensemble du territoire métropolitain et la Corse. Le 18 novembre 2015, l'état d'urgence est étendu dans les départements d'outre-mer (Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion et Mayotte) et dans deux collectivités d'outre-mer (Saint-Barthélemy et Saint-Martin).

L’état d’urgence est une décision de justice extraordinaire. C’est aussi une mesure éminemment inefficace voire peu utile si l’on veut s’attaquer à régler le problème du djihadisme terroriste. Bien entendu, la décision de François Hollande de décider de la mise en place de l’état d’urgence est légitime et nécessaire car l’opinion publique lui aurait reproché de n’avoir pris aucune mesure d’urgence. Mais, il est presque vain de dire que lorsqu’il y a urgence en politique c’est déjà trop tard. L’état d’urgence décrété par François Hollande est en vigueur depuis le 14 novembre 2015 en raison des risques d'attentats ; prorogé plusieurs fois, sa fin est prévue au 15 juillet 2017. Le problème ne sera pas réglé pour autant.

Ainsi, soyons sages des leçons du passé douloureux, à la lumière de cette page tristement historique du Massacre de la Saint-Barthélemy. Il en est toujours temps.

 

 

De l’état d’urgence à l’état de siège

L'état d'urgence est, en France, une situation spéciale, une forme d'état d'exception permettant aux autorités administratives (ministre de l’Intérieur, préfet) de prendre des mesures restreignant les libertés comme l'interdiction de la circulation ou la remise des armes à feu de certaines catégories. Les mesures les plus sévères sont les assignations à résidence, la fermeture de certains lieux, l'interdiction de manifester et les perquisitions de jour et de nuit. Ainsi, il dessaisit la justice de certaines de ses prérogatives. Contrairement à l'état de siège, il n'implique pas les forces armées. Or nous voyons qu’avec le déploiement de forces militaires notamment dans la capitale nous nous approchons dans la forme de l’état de siège. L’état de siège est en quelque sorte l’urgence de l’état d’urgence. Depuis le 12 janvier 2015, le président de la République, chef des armées, déploie à l'échelle nationale l'opération Sentinelle (toujours en cours), pour faire face à la menace terroriste et protéger les points sensibles du territoire. L’état de siège, même si nous n’osons pas prononcer le mot, est bien effectif juridiquement et physiquement parlant sur notre territoire national. Il ne s’agit pas de faire peur en affirmant cela, mais seulement d’employer les termes justes et ne pas formuler un euphémisme d’une situation sous-évaluée, une version acceptable d’une vérité travestie. Analyser et faire comprendre les faits tels qu’ils sont en donnant une lecture juste de la situation permet une meilleure acceptation générale. Rappelons que la révolte survient lorsqu’une situation devient inacceptable.

Dans nos sociétés occidentales si individualistes il n’est pas du tout étonnant que l’Islam s’inscrit en faux. L’Islam est le juge de nos comportements opposés à ses principes. Pour illustrer cette idée je citerai Aayan Hirsi Ali dans une Interview pour ReSPUBLICA datée du 23 mars 2007.

"En tant que croyance et doctrine, l'islam est politique, culturel, social et militaire. Tout cela est inclus dans le livre saint : le Coran, révélé par le prophète Mohammed dont la vie doit être un modèle pour tous les musulmans. En cela l'islam veut nier toute distinction entre les personnes et toute différence de comportement. Nier le concept d'individu."

Si on estime comme l’illustre femme politique et écrivaine néerlando-somalienne qualifiée de « Voltaire noire » que la cohabitation est impossible du fait d’une incompatibilité doctrinale, on ne manquera pas de souligner le courage de ses prises de positions fermes à l’égard de l’Islam radical. Lors d'une interview avec le magazine Reason elle dira: « Je pense que nous sommes en guerre contre l'islam. Et qu'il n'y a pas de demi-mesure dans la guerre. ». Plus tard, elle citera Bruce Bawer (auteur du livre Pendant que l'Europe dort, l'Islam radical est en train de détruire l'Occident de l'intérieur) dans un de ses discours, et se sert de la même comparaison que lui : l'islam radical est comparable au nazisme, et ceux qui cherchent la conciliation, commettent l'erreur de Chamberlain en pensant pouvoir échapper à une tyrannie inéluctable. Je partage son analyse de la situation.

Si la tension est si forte, c’est que dans ce jeu du tir à la corde aucune doctrine ne veut lâcher le morceau. Qui tient le bon bout dans cette épreuve de forces opposées? Qui est du bon côté ? La corde est si tendue qu’elle est devenue fil. Il est urgent que les deux côtés lâchent la corde pour détendre l’atmosphère. Aujourd’hui, la paix mondiale ne semble tenir qu’à un fil.

 

 

Réintégrer le religieux dans la vie de la cité ?

Ne sentez-vous pas dans l’air pollué de nos villes soucieuses un vent de crise, une légère lame de fond qui pourrait bientôt submerger le pays si nous  ne changeons pas immédiatement de cap ? N’est-il pas temps d’apaiser de toutes nos forces les tensions latentes et parfois même patentes entre le religieux et le politique dans la vie de la cité ? N’est-il pas urgent d’intervenir avant d’aller à la catastrophe d’un déchirement social national ?

L’heure est donc au désamorçage de la flambée des inégalités. Le temps est peut-être venu de réintégrer le religieux dans la société en lui redonnant toute sa place légitime. Le rejet systématique du fait religieux de la sphère publique a conduit inexorablement à la situation actuelle. Si la greffe n’a pas prise une première fois, une opération mais tout en douceur est nécessaire. L’ouverture et le dialogue social sont la voie à suivre. Toutes les sociétés évoluent au cours de leur histoire et une société qui refuse l’évolution, qui à peur de son avenir est une société qui doute et se renferme sur elle-même. De l’isolement naît la désolation. Je suis désolé de dire cela mais une société hostile au changement est une société au bord de l’agonie. Pour que la greffe prenne il faut lui offrir un environnement favorable, hospitalier, aimable. Je citerai les conclusions de ce sondage de L'Institut européen en sciences des religions qui a publié l'intégralité de son enquête réalisée en 2009. Un millier d'élèves de 3e et de 2de issus d'établissements publics et privés sous contrat ont été interrogés au cours de ce sondage. Il en résulte que : «  Les jeunes français sont favorables à l'enseignement du fait religieux à l'école : 70 % estiment que cet enseignement les aide à vivre ensemble. Les avis des élèves de l'enseignement privé et public sont pour la plupart identiques. »


 

Faut-il réunifier l’église et l’état ? Vers une modernisation de la loi du 9 Décembre 1905

 

Afin de mieux appréhender l’avenir du territoire faisons tout d’abord un flashback dans l’histoire de France et remontons au début du XXè siècle au moment où la Loi de Séparation des Églises et de l’État a été promulguée. Cette loi qui marqua un tournant majeur dans l’histoire du pays est promulguée le 9 décembre 1905. Elle est publiée au Journal officiel le 11 décembre 1905 et entre en vigueur le 1er janvier 1906. Cette loi met fin à la notion de « culte reconnu » et fait des Églises des associations de droit privé. Le choc est terrible et les tensions se crispent entre le Vatican et l’État français. Pendant plusieurs années le dialogue avec le Saint-Siège est même rompu. Mais que dit cette loi si controversée ? Sans en donner tous les détails citons néanmoins les deux premiers articles :

 

- Article 1er : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes [...] ».

- Article 2 : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. [...] »

 

Cette loi se veut conforme à la devise républicaine. Par l'article 1er de sa Constitution, l'État garantit la liberté de conscience, c'est-à-dire le droit de ne pas être croyant, et la liberté de culte si on l'est. Par l'article 2, l'État, les départements, les communes assurent leur neutralité à l'égard des citoyens, en refusant d'accorder des avantages spécifiques à certains en raison de leurs pratiques cultuelles. Instituées par l'article 4 de la loi, les associations cultuelles dont l'objet exclusif est l'exercice du culte sont de type 1901. Elles ne doivent pas avoir d'autres buts, notamment elles ne peuvent pas se livrer à des activités sociales, culturelles, éducatives ou commerciales. Sourd aux critiques émanant de la droite, indifférent aux appels radicaux de Clemenceau, qui réclame la suppression pure et simple des congrégations, considérées comme prolongements du « gouvernement romain » en France, Émile Combes interdit l'enseignement aux congrégations le 7 juillet 1904, et leur enlève ainsi également la possibilité de prêcher, de commercer, étant entendu que les congrégations enseignantes doivent disparaître sous un délai de dix ans. Combes prépare ainsi une laïcisation complète de l'éducation.

Aujourd’hui les exemples sont légions pour montrer que la loi de séparations des Églises et de l’État  n’est plus adaptée au contexte actuel. Cette loi est fréquemment évoquée lors des débats sur la laïcité en France, notamment à la suite d'incidents repris par les médias et la classe politique (affaires du voile islamique, statut des crèches de Noël, etc.). Maintes fois reprise, tantôt et modifiée, tantôt abrogée pour certains articles, cette loi a-t-elle encore un sens aujourd’hui ?

Par exemple, la Loi de séparation des Eglises et de l'Etat a été abrogée par la loi du 19 août 1920 lors du financement par l'Etat français de la construction de la Grande Mosquée de Paris.

 

Autre exemple, en 2000 l'article 30 interdisant l'enseignement religieux pendant les heures de classe dans les écoles publiques est abrogé (ordonnance 2000-549 du 15 juin 2000, article 7-24). Mais encore, en 2003, la loi subit un changement en ce qui concerne le port de signes religieux ostensibles à l'école. Cette suggestion a provoqué de nombreuses critiques dans certains milieux politiques français, qui craignent un retour à une union de l'État et de la religion, réintégrant ainsi la religion dans le domaine public. Et alors ? Qui-a-t-il à craindre de si terrible que ça ? À l’époque de la création de la loi une clameur populaire c’était insurgée contre celle-ci, on se battait même pour ne pas qu’elle soit votée, promulguée puis appliquée. Quel mal y aurait-il aujourd’hui à l’abroger ? Nous remarquerons tout de même qu’en 2004, à la veille de la célébration du centenaire de la loi fondant la laïcité républicaine, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Économie, et sortant de son poste de ministre de l'Intérieur et des Cultes, s'interroge, dans un livre intitulé La République, les religions, l'espérance, sur une possible modification de la loi, sans toutefois en remettre en cause les fondements. Il propose de donner à l'État les moyens de pouvoir contrôler efficacement le financement des cultes, de libérer le culte musulman français de la tutelle de pays étrangers et ainsi de pouvoir limiter l'influence de ces pays sur la communauté musulmane de France. Ce contrôle impliquerait comme effet secondaire des facilités accordées par l'État en matière de formation des agents des cultes, en mettant par exemple à disposition des enseignants pour les matières non religieuses pour la formation des prêtres, pasteurs ou imam.

Il est légitime de se poser la question à savoir si cette loi n’a pas été une erreur commise dans le passé qu’il nous serait aujourd’hui possible de réparer. Une bonne occasion de réécrire l’histoire vers plus de liberté individuelle en arrêtant de croire que l’Église et l’État n’ont absolument rien à voir ni rien à faire ensemble. J’aurais bien trop de mal à le prouver et trouver des arguments contraire par ailleurs.

 

 

Enseigner le fait religieux : une première pierre à l’édifice ?

Enseigner le fait religieux est une excellente chose. Son enseignement  permet de le comprendre. D’ailleurs l’instruction ne fait de mal à personne, elle enrichit celui qui la reçoit et le rend plus apte à juger et à avoir une opinion sur les phénomènes qui nous entourent (choses, idées, croyances, concepts, etc.) C‘est en comprenant les choses, en les apprivoisant, en les rendant familières que nous les acceptons plus facilement. Nous avons moins peur des choses que nous connaissons, que nous maîtrisons que de celles dont nous ignorons tout des causes, des origines et des conséquences. Bien souvent les gens ont peur de ce qu’ils ne connaissent pas. La peur de l’eau, la peur de l’étranger, la peur du changement, la peur de la mort. En recevant la connaissance, en recevant un enseignement j’apprends à dompter mes peurs pour finalement accepter les choses qui m’entourent telles qu’elles sont pour ce qu’elles sont ou pour ce qu’elle seront. Je dis « accepter » et non « tolérer », car tolérer c’est accepter une souffrance. Or, la douleur disparaît quand l’acceptation est totale donc éclairée.

Ainsi, apprendre, c’est dompter sa peur. L’apprentissage permet d’accepter une nouveauté et de s’adapter au changement. Il favorise l’acceptation d’une chose inhabituelle et/ou inconnue.  En ce sens, l’enseignement du fait religieux constituerait une des modalités possibles d’un enseignement concernant le religieux. Il résulte de la sécularisation progressive (et inégalement aboutie selon les pays) d'un enseignement religieux qui, au départ, était souvent de type confessionnel en fonction du statut reconnu à une religion donnée dans un État. Il met l'accent sur l'acquisition de connaissances objectives et vérifiées sur le religieux et non pas sur l'intériorisation d'une vision croyante au sein d'un système religieux particulier. La plupart des États européens incluent un cours d'éducation religieuse obligatoire dans les écoles publiques (mais généralement associé à une possibilité de dispense). La France se distingue par l'absence de discipline spécifique, l'enseignement du fait religieux étant dispensé à travers les disciplines existantes par un enrichissement des programmes.

L’expression "enseignement du fait religieux" s’est imposée dans le contexte français à la suite du rapport de Régis Debray sur « L’enseignement du fait religieux dans l’école laïque » (2002) pour signifier qu’il ne s’agit pas d’un enseignement religieux, c’est-à-dire confessionnel, mais d’un enseignement de type scientifique qui porte sur des faits de civilisation, au même titre que les faits économiques, sociaux, culturels. Même si la dénomination porte la marque du contexte français, un tel enseignement existe également dans beaucoup d’autres pays, en Europe et en Amérique du Nord, mais comme résultat d’une évolution progressive vers la neutralité et l’objectivité scientifiques d’un cours de religion à l’école primaire ou secondaire qui était au départ de type confessionnel. L’enseignement du fait religieux constitue dans ce cas un point d’aboutissement qui témoigne de la sécularisation de l’étude des religions dans l’enseignement primaire et secondaire. J’espère que cette explication aura suffit à convaincre les plus réticents à cette idée.

 C’est en connaissant les choses, c’est en acquérant plus de culture qu’on développe la tolérance et l’ouverture d’esprit, on apprend à devenir moins réfractaire aux phénomènes qui ont lieu.

 

 

Sacrée laïcité !

 

 

La laïcité c’est la religion de la République, son credo. La république existe en ce qu’elle croit en la laïcité. Elle est sa croyance absolue, son principe fondamental et son bien le plus précieux. Je formulerai cependant, une simple remarque a priori, juste une intuition, j’ai comme l’impression que la laïcité divise plus aujourd’hui qu’elle n’unissait hier encore. Est-ce la faute de la laïcité ? Est-elle la seule responsable du malaise social ? La fautive acharnée ? Grand Dieu non ! La laïcité est ce qu’elle est, elle l’a d’ailleurs toujours été, mais simplement entre temps le monde a changé. Les mœurs, les pratiques, les coutumes ont évolué. Et je ne choquerai personne en disant que la laïcité comme l’Église ne se sont pas encore suffisamment adaptées aux changements d’un monde vivant au XXIè siècle. Ces vieilles dames, ces institutions respectables que sont la République et les Églises ont pris leurs petites habitudes et se sentent maintenant bousculées dans un monde évoluant à cent à l’heure. Dans un monde dont le rythme cardiaque s’est accéléré avec une Génération Z hyper-connectée et dont ces institutions centenaires voire millénaires ont du mal à prendre le pouls. Le discours est trop frileux de la part de ces institutions. En réalité l’offre n’est pas assez alléchante pour une jeunesse exposée à la violence des images renvoyée par un monde numérique exhibitionniste et extraverti. Un peu de pudeur, un peu de retenue ! Il ne faudra pas aller pleurer si ensuite cette jeunesse habituée aux horreurs se dirigera tout naturellement vers des mouvements aux discours les plus choquants, les plus forts, les plus percutants donc les plus extrêmes. La jeunesse est amatrice de sensations fortes. Si nous voulons préserver la liberté, l’égalité et la fraternité sans distinction, la laïcité qui était jadis la pierre angulaire de la République cruciale pour la solidité de tout l’édifice national ne remplit plus tout à fait son rôle. On la sent fébrile à soutenir les murs de l’opposition à la montée du phénomène religieux extrémiste dans nos sociétés occidentales. Et si la laïcité cède, la religion prendra la place de l’État. Voyez l’ampleur que prend le parti politique des Frères Musulmans dans nombre de pays.

 

 

L’exemple de la Turquie

 

En son temps, un homme c’était fait le chantre de la laïcité, son plus fervent défenseur, il croyait en elle, en son pouvoir unificateur et en sa force quasi divine. Inspiré par la Révolution française, cet homme d’État était vu comme un homme providentiel. Pour mettre un terme au règne du sultan Mehmed VI, le 1er novembre 1922, il instaura ainsi la laïcité : séparation entre les pouvoirs politique (sultanat) et spirituel (califat). Cet homme est Mustapha Kémal Atatürk. Si je le cite ici en exemple c’est pour montrer la foi du dirigeant turc en faveur de la laïcité - si mise à mal de nos jours en France. Plus laïc que laïc, le fondateur de la République moderne de Turquie, Mustapha Kémal Atatürk avait compris en son temps les bienfaits d’une laïcité forte. Conscient que politique et religion ne feraient pas bon ménage, il fait inscrire le principe de laïcité dans la constitution turque. Ci-après deux propos marquants prononcés par le fervent défenseur de la laïcité dans son pays.

"Messieurs et citoyens !... Sachez bien que la République turque ne peut pas être le pays des cheiks, des derviches, des disciples, des adeptes. Le chemin le plus droit est celui de la civilisation."

(Mustapha Kémal Atatürk, fondateur de la Turquie moderne / 1881-1938)


Autre citation parfaitement explicite :

 "L'homme politique qui a besoin du secours de la religion pour gouverner n'est qu'un lâche. Or, jamais un lâche ne devrait être investi des fonctions de chef de l'Etat."

(Mustapha Kémal Atatürk / 1881-1938 / La cliente)

Cherchant à limiter l'influence de l'islam sur les établissements politiques et culturels turcs, le nouveau président décide de supprimer le califat le 3 mars 1924, responsable à ses yeux du ralentissement du développement de la Turquie. Il adopte le système de la laïcité française ; la religion n'est pas contestée, mais elle se limite à la sphère strictement privée. Risquons-nous à un peu d’histoire fiction à la lumière des ces deux déclarations. À l’époque de la présidence d’Atatürk il ne fait pas de doute que la jeune République de Turquie aurait eu toutes les qualifications requises pour faire son entrée dans l’Europe si le dirigeant en avait fait la demande. Pour revenir à la vraie histoire nous pouvons citer la  communication de M. Louis Le Pensec devant la délégation du Sénat pour l'Union européenne sur la candidature de Chypre à l'Union européenne datée du 7 avril 2004 :

« Objet d'un culte de la personnalité certainement unique dans une démocratie, Atatürk a mis en place un système moderne pour les années 1930, mais qui s'est complètement figé par la suite en mémoire du « chef éternel ». […] Parallèlement, l'État kémaliste a mené un pays musulman de 70 millions d'habitants vers la démocratie et la stabilité, ce qui est rare dans cette région du monde ; il a également lutté avec succès pour la laïcité et contre le développement trop important des mouvements islamistes».

 

En suivant l’exemple d’Atatürk deux attitudes sont envisageables pour le cas Français (qui ne l’oublions pas avait servi d’exemple en inspirant le futur chef d’État charismatique) : soit le religieux est réintégré dans la sphère publique soit il reste cantonné dans la sphère privée. Les petits arrangements, les petits aménagements ne sont plus de rigueur voire clairement impossibles à l’heure actuelle. La position doit être claire. Car de la jalousie naît la haine. Je clôturerai cette page sur l’exemple turc en citant une dernière fois Atatürk dont les lignes qui vont suivre sont extraites de son testament :

 

« Je ne laisse, en tant qu'héritage spirituel, aucun verset, aucun dogme, aucune règle pétrifiée et figée. Mon héritage spirituel, c'est la science et la raison (…). Tout dans ce monde évolue rapidement. La conception du bonheur et du malheur se modifie, au fil du temps, chez les peuples et les individus. Affirmer, dans ce contexte, que l'on a su inventer des recettes éternellement valables équivaudrait à renier l'incessante évolution des idées et de la science. (…) Nul n'ignore ce que j'ai essayé de faire, ce que je me suis efforcé de réussir pour le bien de la nation turque. Ceux qui, après moi, voudront avancer dans mon sillage, sans jamais s'éloigner de la raison et de la science, deviendront mes héritiers spirituels. »

 

Si la laïcité à la française semble en manque d’inspiration aujourd’hui, sans doute par des prises de positions trop frileuses de la part de la classe politique nationale. Si la montée des extrêmes inquiète et que les Églises peinent à convaincre et apaiser leurs fidèles. Peut-être que la solution ou pour le moins la raison de tout cela est à chercher du côté d’une source d’influence plus forte encore que le religieux et le politique réuni. Je veux parler des Médias.

 

 

La toute-puissance médiatique

 

S’il est difficile pour le politique de convaincre face au pouvoir du religieux, il devient plus difficile encore pour le religieux de convaincre face au pouvoir des médias. Il n’y a pas de hasard si Daesh s’est emparé des réseaux sociaux pour recruter ses futures victimes. Nous l’aurons compris, les médias incarnent ce troisième pouvoir qui est en passe de devenir plus fort que le politique et le religieux à la fois et ainsi devenir le premier pouvoir. Chère République, chers Églises vous qui prétendez sauver le monde vous peinez à le diagnostiquer. Est-ce lui qui tourne mal, ou vous qui vous essoufflez ? Les Médias ne dorment jamais, les infos sont en continu, leur pouvoir est absolu, et s’étend au monde entier en simultané, 24h/24h.

Les médias sont les grands vainqueurs de cette course au pouvoir au XXIè siècle. Ils sont la combinaison et la synthèse numérique des deux pouvoirs qu’ils contrôlent à savoir, le politique et le religieux. Alors oui, je l’affirme car il faudrait être aveugle ou sourd ou les deux pour ne pas comprendre, voir et entendre à la télé, à la radio, sur les réseaux sociaux, dans les discours, les SMS et les journaux que le religieux l’emporte sur le politique et que le médiatique l’emporte sur le religieux. On allume sa télé comme on va à l’église en espérant ne pas avoir manqué l’heure de l’office. Son émission préférée devient la Grand Messe quotidienne ou hebdomadaire, The Voice et Hanouna en tête. C’est là que l’opinion s’exprime. C’est là que les gens votent en permanence. Il n’y a qu’à voir le nombre de jeux par SMS proposés dans chacune des ces émissions. Les grands gagnants sont bien-entendu les grands patrons des chaînes de télé. Et dire que nous payons une redevance télévisuelle pour que nous puissions regarder ce qui nous est imposé et comme si cela n’était pas suffisant continuer à payer en direct à la télé en répondant aux questions stupides par textos. Si je devais faire campagne aujourd’hui sans hésiter je monterai sur la scène des plus grands festivals nationaux. L’audience y est immense, le relais sur les réseaux sociaux est incommensurable. Comment se passer d’une telle couverture médiatique pour imposer dans la joie son pouvoir.

Ceci dit en passant, revenons sur la puissance médiatique. Dès lors, le politique qui saura parler comme on prêche, devant les caméras, s’assure la combinaison des trois pouvoirs réunis (politique, religieux, médiatique). Il devient tout-puissant face à son auditoire. C’est pour cela que les médias font si peur aujourd’hui. Que Donald Trump, ce drôle de canard, les dénigre et les discrédite constamment. C’est parce que ce phénomène est si puissant qu’il empiète sur le terrain du politique et du religieux à la fois. Vous doutez encore de la puissance des médias, alors imaginez un George Clooney ou un Brad Pitt derrière une urne électorale. Vous verrez le monde qui se presserait pour aller voter et déposer son bulletin juste pour voir absolument son idole, cette icône du cinéma, cet objet de culte médiatique. Imaginez les mêmes en prêtres et vous remplirez tous les lieux de culte. La « starification » médiatique voilà le pouvoir divin de nos jours, avoir son étoile sur Hollywood boulevard. C’est ce que j’appellerai la catastérisation de son vivant. C’est la joie de connaître la vie éternelle de son vivant. C’est fabuleux non ! Mais à quel prix ?

Le syncrétisme macronien : En Marche vers l’unité ?

 

E. Macron est le candidat du syncrétisme politique. Sera-t-il pour autant le président de l’unité tant attendue. Certes c’est pour cette raison qu’il partait déjà gagnant. Mais réalise-t-il au moins la charge que cela induit, lui, la jeune pousse fraîchement germée. Il a d’un coup de balais fait voler en éclat les deux grands partis traditionnels de la Gauche et de la Droite, seuls restent de part et d’autre les deux extrêmes (pour les raisons que nous avons pu évoquer précédemment). Il a donc réussi le pari un peu fou de l’union des partis et il se retrouve dans un magma politique, au centre d’un cratère incandescent. L’irruption cutanée d’un parti si jeune, si vert, presque immature est néanmoins à craindre. E. Macron ne devra pas décevoir, ne devra pas faire le moindre faux-pas (le peuple lui a déjà pardonné ceux commis durant sa campagne dans ses déclarations à propos de la Guerre d’Algérie, il ne lui pardonnera pas deux fois).  Sa charge est immense dans ce contexte actuel si tendu. Il ne faudra pas prendre de demi-mesure, ni mettre des pincettes pour lutter contre l’islamisme radical. Sera-t-il ce président providentiel qui parviendra à reléguer la question religieuse au second plan et que l’« Union sacrée » rassemble une France unie sous la bannière tricolore ? Comme en 14 dira-t-on ! Saura-t-il rendre croyant les non-croyants, c’est-à-dire tous ces sceptiques et déçus de la politique. ? Saura-t-il redonner la foi en une République laïque forte et unie à toutes les congrégations religieuses du territoire ? Une ouverture appréciable doit-elle être faite vers l’Islam de France, pour qu’il ne soit plus au ban de la République ? Sera-t-il le sauveur de la France ayant la faveur divine si l’on en juge par la promesse contenue dans la signification de son prénom dérivé de l’hébreu (Immanu'el) : « Dieu est avec nous ».

La sixième république s’il doit y en avoir une un jour, sera médiatico-spirituelle ou ne sera pas.

 

 

En bref…

 

On pourra croire, penser ou dire ce que l’on voudra mais le mystère demeure. L’homme est cet animal croyant serviteur des Dieux et des Rois mais assujetti à aucun. L’instinct, l’intuition et la raison continuent de guider les hommes qui choisissent d’obéir tant qu’ils tolèrent ceux qui les dirigent comme le cheval tolère son cavalier. Le rapport de force est dans la capacité à convaincre dont les médias se font les puissants Apôtres. La foi en ce que l’on croit est grandement influencée par les images véhiculées sur nos écrans. Soyons responsables de ce que nous transmettons à nos enfants hyperconnectés.

 

"Le secret douloureux des Dieux et des rois : c'est que les hommes sont libres."

 

(Jean-Paul Sartre / 1905-1980 / Les mouches)



29/04/2017
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